GRAND
BAIN
GrandB ain
Beyoncé n'est pas une pute mais moi oui
Je ne connais pas Beyoncé.
Elle n'a rien à voir avec ce poème.
Mais je m'en sers.
J'abuse d'elle.
Je suis un sale type.
Je l'utilise. Elle.
Et son nom.
Parce que si j'utilise son nom
dans le titre de
mon poème
alors je me remplis
de sa semence
médiatique
et je vends mes petites fesses
aux robots de Google
et à tous les lecteurs fatigués
qui auront troqué leur curiosité
contre la moelleuse sûreté
du déjà connu.

D'ailleurs regardez
vous êtes déjà beaucoup plus nombreux
à lire ce poème
plutôt que n'importe quel autre
imprimé ici
au même endroit
et diffusé
de la même manière
plutôt que tous ces autres poèmes dont le titre
ne mentionnait pas
Beyoncé.

Mais vous
vous n'êtes pas des putes.
Vous êtes des gens normaux.
Ordinaires.
Des lecteurs
engagés.
Puisque déjà vous êtes là.
Dans cet espace noir
et seul.
A me lire
sans concurrence.

Parmi les milliers de liens qui frôlent
chaque jour
votre souris
vous cliquez sur ceux qui vous sont les plus
familiers.
Et c'est tellement normal
et juste
et honnête.

Et c'est moi qui suis une pute.
Parce que j'ai mis à mon poème
une mini-jupe
et que j'ai montré ses cuisses
la moitié de son cul
et que j'ai maquillé ses yeux
et penché sous votre nez
son décolleté
sémantique.

Et maintenant vous êtes là
satisfait et déçu
comme un client
qui se renculotte
au bord du lit.

Ça n'était pas si bon n'est-ce pas ?
Ça ne valait pas vraiment
le prix que vous avez payé.

Mais maintenant c'est trop tard.
Vous avez un peu honte
et moi j'empoche l'argent
symbolique.

Allez.
Dehors.


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publié le 31 mai 2016 à 15 h 15