c'est venu progressivement
jour après jour
petit à petit
prenant bien soin de ne pas être visible
ou sensible
les images ont accéléré
le montage la coupe le rythme
et doucement
en face des écrans
soumises au bombardement continuel des tubes
nos consciences se sont asséchées
autrefois
les yeux braqués sur les postes de télévision
balayaient nonchalamment les lueurs calmes
l'image alors n'était pas si différente des réels
mais le temps est un luxe
que le perpétuel affamé ne peut se payer
dévoré de besoins il a tout absorbé
et désormais meurt
du besoin
d'avoir besoin
au vingt-et-unième siècle
une image télévisée
ne dure jamais plus de deux secondes
c'est un fait
il n'est autorisé à aucun téléspectateur
de contempler
quoi que ce soit
plus de deux secondes
devant ma télévision
j'ai besoin d'information
et ce qu'on m'offre
c'est du manque
plus je reste devant ma télévision
et plus j'ai besoin
et plus j'ai le sentiment
que rien en ce monde
n'est jamais accompli
et que ma vie entière
n'est rien d'autre
que le manque d'autre chose
je manque
je sèche de frustration
et une fois éteint mon poste de télévision
marchant dans la rue d'un point neutre à un autre
je suis exactement incapable
d'en retirer le moindre bonheur
devant la permanence du réel
ma conscience se déshydrate
et devient poudre
comme je demeure inassouvi.
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| publié le 21 juillet 2010 à 09 h 33
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