GRAND
BAIN
GrandB ain
Série : WKL
Feuilleton poétique d'anticipation. Chacun de ces poèmes fait découvrir un nouvel aspect/angle/personnage/événement d'une intrigue qui s'étend sur un peu moins d'un siècle sur toute la surface du globe.
Le 15 décembre 1999, le physicien Robert Rutledge a observé sur une étoile, la naine brune LP 944-20 un sursaut d'énergie comparable à une petite éruption solaire.

S'étant produit à 16 années lumière de la Terre, ce sursaut a en fait eu lieu dans le courant de l'année 1983.

Jusqu'à ce jour, on imaginait que les naines brunes étaient incapables de ce genre d'activité.

Robert Rutledge explique que cette énergie a dû être libérée par le champ électromagnétique de l'étoile, se déchirant sous l'effet de sa propre torsion.

Jusqu'à ce jour, on imaginait que les naines brunes n'avaient pas de champ électromagnétique.

Le 15 décembre 1999, pendant que Robert Rutledge observait le champ électromagnétique de LP 944-20 se déchirer, l'onde de choc provoquée par ce déchirement frappait la Terre, tous les êtres vivants et tous les minéraux qui se trouvaient sur l'hémisphère faisant face à l'étoile.

Les effets des ondes électromagnétiques sur les êtres vivants sont mal connus. Des expériences menées sur des rats ont montré que l'exposition prolongée à ce type d'ondes augmentait les risques de cancer. Ces expériences, néanmoins, se basaient sur des expositions très fortes.

En l'état actuel de la science, il est donc impossible d'affirmer que l'onde de choc électromagnétique provoquée par LP 944-20 à 16 années lumière de la Terre a eu la moindre répercution sur les êtres vivants qui la peuplent.

Pourtant, en faisant preuve de la même rigueur scientifique, il est tout aussi impossible d'affirmer que le 15 décembre 1999 n'était pas le jour de la fin du monde tel que nous le connaissons.

Série(s) :
WKL

publié le 06 juin 2010 à 10 h 37

Nathan Laroche sait que sa vie changera dès l'instant où il appuiera sur le bouton OK.
Elie Steinberg s'imagine qu'il a tout compris.
Au vingt-troisième étage de la Tour Nacre, il paraît qu'on voit plus d'étoiles que n'importe où ailleurs à Paris.
Vu d'assez loin, le code du logiciel FEEDBACK ressemble à une constellation percée de dollars.
Susan Wilson s'assied sur un carré de pelouse au milieu de la désertique Gila Bend, Arizona.
Même dans la meilleure résolution possible, le sang sur une photo numérique n'est jamais vraiment rouge.
Au sommet du Mont Aso, au Japon, les vapeurs dégagées par les lacs acides ne permettent à aucun homme de vivre assez longtemps pour réaliser qu'il est filmé.
Rien de particulier n'apparait sur les images en provenance d'aucun satellite géostationnaire au moment où Nathan Laroche appuie sur le bouton OK.

Série(s) :
WKL

publié le 06 juin 2010 à 14 h 13

Tous les spécialistes pressentaient qu'un logiciel serait un jour capable de remplacer efficacement tous les traders du monde.
Elie Steinberg avait tout prévu, sauf le départ incompréhensible de son patron vers une île bretonne submergée six mois par an.
Trois satellites diffusent dès aujourd'hui et pour personne encore trois chaînes de télévision montrant en plan large trois personnes qu'on ne connaît pas et qui ne font rien.
Si les trois plus grandes sociétés du monde décidaient subitement d'unir leurs efforts et leurs trésoreries, ne seraient-elles pas en mesure de défier n'importe quel pays ?
Omura Kumagaya commence à penser que le but ultime du capitalisme a quelque chose à voir avec le zazen.
Si les trois plus grandes sociétés du monde décidaient subitement d'unir leurs efforts et leurs trésoreries, elles auraient sans aucun doute besoin d'un plan de communication révolutionnaire.

Série(s) :
WKL

publié le 19 juin 2010 à 10 h 56

Elle est jeune et elle le voit disparaître
dans la noirceur de l'océan nocturne.
Pour atteindre le rivage il lui faudra nager 800 mètres
éviter la patrouille
et les miradors sur des pilotis couverts d'huitres agonisantes.

Quand il plonge elle croit distinguer un clin d'œil derrière un reflet de son masque. Mais ça n'est peut-être rien.

Sous l'eau, le bruit de la vedette qui accoste son bateau est comme le bourdonnement d'un petit essaim.
Elle répond au patrouilleur qu'elle est perdue. Je suis vraiment désolée monsieur, je ne savais pas, dit-elle aussi. Peut-être qu'il la croit, peut-être pas. Mais elle doit partir.

Il est déjà loin, a presque atteint le premier mirador quand elle démarre le moteur du vieux rafiot et s'éloigne en faisant signe au patrouilleur.

Il pose sa main sur l'épaisse jambe de bois couverte de mollusques. Encore 400 mètres dans le froid humide de l'abysse.
Il n'a pas eu besoin d'entendre son bateau prendre le large pour savoir qu'il n'y aura pas de voyage retour.

Corallinacées.

Série(s) :
WKL

publié le 10 février 2011 à 17 h 02

Tous les éléments jetés dans le GrandBain (textes, photos, vidéos, etc.) sont diffusés sous licence Creative Commons (Paternité, Pas d'utilisation commerciale, Partage des conditions initiales à l'identique). Contact