GRAND
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Série : pancreas
Le 3 juillet 2010, je m'écroule lors d'une réunion de famille, terrassé par une pancréatite aigüe qui m'envoie pendant huit jours à l'hôpital. Pendant cette hospitalisation et une fois (presque) passés les effets de la morphine, j'écris une série de poèmes que voici.
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J'ai instantanément arrêté de boire, de manger et de fumer.
La force de la douleur est bien plus convaincante que n'importe quelle résolution raisonnée,
que n'importe quelle conviction assumée.
La force de la douleur est capable de te faire faire n'importe quoi, d'accomplir n'importe quoi, de dire n'importe quoi,
uniquement pour qu'elle s'arrête.

Série(s) :
pancreas

publié le 07 juillet 2010 à 19 h 15

Arrivé ici dans la nuit de samedi à dimanche.
Nous sommes mercredi. Ou plutôt, je suis mercredi.
Pas de sortie, bras relié à perfusion de liquide vital, vue champêtre derrière les fenêtres. Et personne.
Ou seulement des inconnus, ce qui revient au même.
Ballet jour et nuit des infirmières qui viennent contrôler ma glycémie, prendre mon sang, ma température, ma tension, plusieurs fois par jour.
"Vous allez bien, monsieur ? Votre douleur ?"
"Ça va mieux" je réponds
comme une formule magique qui aurait le pouvoir de me faire sortir
si je la répétais suffisamment.
Mais je ne sors pas.
Demain je serai jeudi.

Série(s) :
pancreas

publié le 07 juillet 2010 à 19 h 29

Cinq jours maintenant que la maladie
me prive de liberté.

Je pense habiter une chambre aussi grande qu'une cellule de centre de détention
et ma promenade dans les couloirs doit être encore plus courte
que celle d'un détenu.

Je ne peux ni manger, ni boire, ni fumer,
ce qui en un sens est un châtiment encore pire que l'enfermement.
Car ce qui fait accepter le temps, le comprendre, ce passage de la naissance à la mort, la vie bref, c'est d'abord le rythme. Et sans heure du repas, j'en suis privé.

Sans repère, alors j'en invente, et note sur des bouts de papier l'heure de visite des infirmières.
Mais pour que la torture soit totale,
et sans le faire exprès,
elles ne viennent jamais à la même heure,
ce pourquoi je les maudis en silence.

Même s'il en va de mon rapport métaphysique à ce monde, je ne peux tout de même pas leur demander d'être plus ponctuelles.

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pancreas

publié le 08 juillet 2010 à 18 h 27



Série(s) :
pancreas pvos

publié le 08 juillet 2010 à 18 h 50

Bagnard d'une geôle aménagée par mes soins.
Prisonnier à l'intérieur de mon propre corps.
Invité de luxe au grand goulag à perpétuité,
seul en scène, un seul rôle, jusqu'au bout.

Si je vois aujourd'hui les portes commencer à se fermer
qui finiront par me tenir à l'écart de
La Bonne Santé,
c'est que déjà j'ai épuisé le stock de départ,
dilapidé les réserves,
explosé les quotas.
En un tiers de ma vie il me semble l'avoir presque brûlée entièrement.

Je suis l'artisan méticuleux de mon enfer,
âgé de 32 années
et pourri déjà comme un vieillard.

Est-ce déjà le moment d'être raisonnable ?
Après avoir frôlé la mort, la question se pose.
Et qui exige autre chose que des réponses de jeunot
en pleine santé
qui prétend ne pas craindre de disparaître
sans avoir jamais senti la souffrance.

Série(s) :
pancreas

publié le 08 juillet 2010 à 19 h 00

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